C’est Quoi ?

L’UTAT, Ultra Trail Atlas Toubkal, est l’un trail les plus authentiques au monde, avec un départ et une arrivée située au cœur de l’un des plus beaux et hauts massifs montagneux d’Afrique. Organisé par l’association Sports Nature Développement, l’UTAT se donne comme objectifs principaux de promouvoir les valeurs du trail et de faire découvrir la beauté des paysages marocains, la richesse de la culture du Haut Atlas et l’incroyable diversité de son patrimoine. Il est considéré comme la plus prestigieuse course de montagne au Maroc, installée depuis 11 ans dans le calendrier international. 

Unique de par sa technicité et son altitude, cette course particulièrement exigeante comprend notamment 6 cols de plus de 3000 mètres à franchir, dont le plus haut culmine à 3680 mètres. L’organisation offre le choix entre 5 formules s’adaptant à la condition physique de chacun pour relever cet incroyable défi. 

 

Mais le défi se trouve également dans le niveau d’exigence lié aux difficultés techniques auxquelles faire face pour organiser un tel événement, à l’instar de la couverture radio nécessaire pour relier 105km de course en pleine montagne sans couverture satellite et avec un réseau GSM limité. Cette année, après une nouvelle reconnaissance des parcours au mois de mai, des bénévoles de l’UTAT ont développé un nouveau système de chronométrage et de suivi en temps réel qui sera déployé pour la 1ère fois durant cette 11ème édition. 

L’UTAT c’est en effet plus de 120 bénévoles fidèles dont la passion et l’engagement conduisent chaque année à des innovations de plus en plus abouties. Tout autant motivés par l’expérience humaine et sportive que par l’amour et le respect de la nature, coureurs et bénévoles partagent durant 4 jours une vie en communauté au cœur d’un village éphémère monté pour l’occasion sur le plateau de l’Oukaïmeden à 2600 mètres d’altitude. 

Enfin, l’UTAT s’engage concrètement chaque année en faveur du respect de l’environnement, avec une empreinte écologique réduite, et pour le développement de l’économie locale, avec plus de 100 muletiers engagés pour monter le matériel médical et les éléments de montage nécessaires à la mise en place du village et des 21 postes de contrôle sur toute la longueur du trail. Des ateliers et visites guidées sont par ailleurs proposés avant et en parallèle des courses   

Le contexte

Fabrice, un ami traileur depuis 2012 (CCC) me parlait souvent de l’UTAT qu’il avait fait en 2016. Je n’osais pas quitter la France pour les trails, trop compliqué et trop égoïste de partir sans ma famille. En 2018 lors de l’UTMB au stand UTAT, Douha, la compagne de Fabrice, accroche ma femme sur le 12km de l’UTAT et la motive à venir avec des amies. Anne négocie pour faire le 26km en mode Randonnée pour découvrir plus de villages et de paysages. Après ma 3eme participation à l’UTMB, j’ai été démotivé ou mal entrainé car trop confiant et plus de nouveautés et rien à prouver après 2 fois finisheurs en 2014 et 2017. Il me fallait autre chose pour voir d’autres paysages, d’autres montagnes, d’autres motivations avec d’autres personnes. La vallée de Chamonix devenait pour moi trop connue et sans enjeux pour me dépasser. L’Utra du Beaufortin a été une étape en Juillet pour s’entrainer et découvrir de nouveaux paysages.

L’UTAT répondait à ce nouveau challenge, en plus avec ma femme et ses copines.

Quelques semaines avant le grand départ, Fabrice me demande mes temps de passages pour qu’il puisse m’accompagner de Imlile à oukaimeden (du kilometre 90 au 105km), comme lors de la TDS 2013.

   

 Je passe donc quelques heures à préparer un excel des passages estimés et établir mes prévisions. C’est relativement difficile et j’ai l’habitude de ma planter, comme pour le Beaufortin en Juillet où je comptais arriver vers 1h du matin alors que j’ai fini à 7h30.

Le terrain m’est inconnu et l’altitude n’est pas un facteur que j’arrive à estimer.

Voila ci-après mes prévisions et les passages réalisées. Ce planning s’avéra complètement sous-estimé, le terrain et l’altitude n’auront pas été suffisamment pris en compte dans les passages.

 

Le voyage et le Camp de base.

Anne a fédéré le groupe et a accompagné les démarches d’inscription, et notamment les sorties annexes autour du camp (visite de villages berbères, écomusée du lac de oukaimeden). Nous avions décidé de nous retrouver à la navette UTAT de 20h le Jeudi 3 octobre à l'aéroport de Marrakech. Les membres du groupe venaient de Paris, Pau, Nantes et Bruxelles. 

   

Au refuge CAF d'Oukameiden (club Alpin Français, section Casablanca), un dortoir de 10 lits nous est réservé, puisque nous avions décidé de ne pas dormir sous tente.

L’organisation nous avait attendu pour le diner sous le grand chapiteau. De grandes tables blanches et fauteuils blancs comme pour un mariage sont répartis sur environ 200 m2. Un buffet est dressé et les repas sont excellent, essentiellement à base de féculents, parfait pour stocker de l'énergie pour les courses à venir. Les bénévoles sont nombreux et très accueillants. Ce sont des passionnés et ils méritent un grand respect compte tenu des conditions de ravitos en milieu aride et en altitude. Je n’ai jamais vu autant de dévouement et  de partage aux ravitos.

 

    

La nuit fut un peu mouvementée, liée aux ronflements de certaines. (Je suis le seul homme et comme je ne ronfle pas, je pourrai balancer des noms). Le lit est top petit, je suis obligé de dormir à l’oblique.

Le matin, réveil puis déjeuner sous le chapiteau. Nous récupérons nos dossards avec vérification des sacs.

Plusieurs groupes se forment pour des balades autour du camp. Nous sommes un peu harcelés par des vendeurs de pierre (géodes) et colliers de pierres semi-précieuses.

Le midi, nous choisissons un petit restaurant ; au passage je récupère Tanguy qui lui, en vrai sportif, dort sous tente.

Tout au long du repas, Laurence B a un admirateur que nous appelons ‘John attend’, il reste subjugué par elle...C'est le clochard du coin, nous lui laissons en fin de repas les miches de pain non terminées.

   

L’après-midi, les filles visitent le musée du Lac d'Oukaimeden.

Nos amis Loches arrivent vers 14h30 et je les envoie déjeuner sur un des restaurant du village. Vincent est sur la course Utat-Challenge (42km le samedi et 26km le Dimanche)

Quant à moi, je prépare mon sac et dors un peu pendant ce temps-là.

Mon sac est bondé, je dois prendre un max d’équipement puisqu’il va faire chaud la journée et froid la nuit. Je stocke plus que nécessaire des denrées, puisque les ravitos seraient relativement légers. Je me mets dans l’optique de porter au moins 3l d’eau sur certaines parties.

Je suis un peu dans le doute, anxieux et un peu stressé sur cet ultra aux conditions inhabituelles.

            

 Vers 17h30, le briefing de Cyril, le directeur de course et responsable de l’UTAT me fait un peu peur compte tenu des détails des cols à plus de 3000m d’altitude et des conditions solos que l’on va rencontrer. Nous ne sommes que 77 au départ normalement.

Vincent est à mes côtés pour me soutenir ou se faire peur. 

Grand moment de briefing qu’il ne fallait pas manquer, d’ailleurs, je pense que tous les coureurs sont présents.

Le diner est à 19h30 après le briefing de 18h30 du 42km. Le stress monte et je n’ai pas trop faim. Je m’éclipse vers 20h30 pour aller me reposer et dormir.

Les filles finiront par se regrouper dans la salle commune du refuge CAF pour faire des jeux scouts un peu bruyants : toute refuge les entend rigoler ! Elles se feront remonter les bretelles le lendemain ! 

       

Vers 23h10, je décide de descendre et d’aller les voir. Je suis accueilli comme un surhomme (qui n’a rien fait encore), Fabrice et Douha sont là.

Je remonte et m’habille ou me déguise en traileur.

 

Le défi, l'Ultra-Trail 

 

 Samedi 5 Octobre : 00h00

Départ d'Oukaimeden 

      

 Ca y est je suis prêt, ou j’espère l’être. Béatrice L me dit que ce n’est pas grave si je n’y arrive pas à finir. Ma réponse fut « ça serait un déshonneur ».

Ils me photographient tous et j’ai l’impression d’être une star. Je n’ai encore rien fait !

Elles m’accompagnent toutes sur la ligne de départ pedant que l’organisation nous compte et nous contrôle sous un grand chapiteau. L’ambiance est magique, presque plus que lors des UTMB, car plus confidentielle et avec plus de partage.

Le show de feu devant nous est impressionnant et nous laisse des belles images pour les 6 prochaines heures que nous allons passer à la frontale.

Les filles se sont regroupées à l’extérieur et mettent une belle ambiance.

En attendant le départ, dans la mêlée, j'échange avec un suisse qui avait abandonné sur la x-alpine en 2017. Il est de Martigny.

Je lui montre que je suis au couleur de Verbier avec ma polaire finisheur 2017  et mon tee-shirt technique.

Je souhaite à Tanguy une bonne course. A priori, on fait chacun sa course. Je n’aime pas trop être lié à quelqu’un, on n’est pas sur le même rythme, les mêmes efforts et les mêmes phases de difficulté. 

      

Le départ est digne d’une grande course, traduit en Anglais et arabe également.

Ca y est, c’est parti, on appuye tous sur nos chronos et les premiers nous emmènent à travers le camping pour en ressortir vers la route du premier col. Nous passons à coté de télésièges. Oukaimeden est une station de ski l’hiver. Un 4*4 arrive à monter un peu sur le début de la trace via la route carrossable.

Nous sommes seuls maintenant et livrés à nous même.

La première descente emmène certains coureurs à se tromper, ils sont obligés de remonter. Tanguy est permis eux. Il me rattrapera juste avant le premier ravito et une grande descente vers Tacheddirt. J’ai réalisé que la descente était balisée par des points bleus. Le 42km remontera donc par là et donc mon ami Vincent L (qui est sur le challenge 42km + 26km le lendemain)

Le Ravito me fait penser un peu à Chapieux (ravito sur UTMB). Je n’ose pas demander du Coca alors que Tanguy me confirmera qu’il y en avait. Nous sommes maintenant à 2 et nous allons presque ne plus nous quitter lors de cette aventure.   

Samedi 5 Octobre : 00h48

Tizi n'ADDI (5,1km 2944m)

 

Samedi 5 Octobre : 01h48

TACHEDDIRT (9,6km 2344m)

 

Nous arrivons au premier village de Timichi ou vers 5h50, une prière à Allah se fait entendre. Nous passons devant une petite mosquée, 5 paires de chaussures attendent dehors. Ça prie déjà à 6h pour les bons musulmans.

Les rues du petit village ne sont pas très propres. De nombreux déchets plastiques sont présents par terre mélangés avec la terre des ruelles que l'on empruntent. 

Dans la nuit, nous rejoignons une route et distinguons une trace qui part dans un village en contre-bas. Avec d’autres, nous continuons sur la route et signalons à ceux qui ont emprunté le chemin que c’est la route qu’il faut prendre. En réalité, les 2 chemins sont valides et arrivent au même endroit. Nous ne courons pas , nous marchons rapidement et Tanguy me fait remarquer un troupeau de chèvres avec leurs yeux ouverts qui nous regardent du haut de la route. Les frontales renvoient uniquement leurs yeux comme des loups dans les films d'horreur ! un sacré souvenir de nuit.

Samedi 5 Octobre : 03h29

Tizi n'Tcaheddirt (15,4km 3182m)

Un groupe avec une fille (dossard 56, Sylvie) nous passe devant à une allure que nous ne suivons pas. Je l’avais repérée dans la première montée et au ravito de Tacheddirt.

Samedi 5 Octobre : 05h11

TIMICHI (24,1km 1951m)

 Le chemin carrossable est long et nous trottinons à peine, après une première nuit à cette altitude. Nous arrivons au bout de cette route dans les temps à 7h30 mais à 45mn barrière horaire, normal en début de course.

Samedi 5 Octobre : 07h07

route de TAKERKOURTE  (34,3km 1741m)

Notre classement est toutefois honorable avec Tanguy puisqu’ils nous donnent notre classement autour du 31eme. Le pointage est réalisé de façon manuelle puisque la balise est HS. Je ne suis pas certain que nous étions vraiment 31eme...

 

          

 Avec Tanguy nous accélérons dans la descente, avant de prendre une route sinueuse que nous avions aperçu quand nous étions de l’autre côté.

Drôle de sensation : nous ne distinguons plus de coureurs de l’autre côté. On est en fin de course, il va falloir booster un peu plus mais comment faire pour garder des forces avant les 6 cols à 3000m mètres d’altitude.

Nous n’avons fait que 2200D+ et 35km… pas vraiment dans le dur et le reste m'inquiète.

Tanguy part devant et je médite seul dans ce pays, ces vallées inconnues, ces chemins que je ne connais pas.,très caillouteux et peu roulants. La chaleur commence à arriver. De beaux ruisseaux, des torrents, des villages apparaissent. Tellement nature et en même temps tellement irréel. 

Samedi 5 Octobre : 9h00

TAMATERT (41,2km 2436m)

Tanguy est devant et je contemple seul les paysages sans trop comprendre où je vais. Je découvre le terrain, je m'y adapte. L’altitude ne me donne pas l'envie ni les moyens de forcer.

        

BoukChoud au 48km au fond du vallée verdoyante, j'y croise des bergers, des jeunes filles font sécher des plantes. Elles nous regardent un peu bizarrement et je n’ose pas prendre des photos. On est chez eux, dans leurs vallées. 

Samedi 5 Octobre : 12h25

BOUKCHOUD (49,3km 2600m)

Au ravit, je retrouve Tanguy qui se fait strapper le pied. Je fais une courte pause pour ne pas prendre de retard ; je garde en mémoire que nous ne sommes qu’au 50 ème km et 3400D+ seulement. (il en reste plus de 4000D+ encore et à des altitudes plus élevées). 

Des paysages variés et magnifiques s'offrent à nous. je souffre mais à chaque pas , je me dit que je ne passerai plus par ce chemin de ma vie et que c'est une chance d'être la dans cette nature et ces montagnes. Ca doit être terrible en hiver avec la neige pour les habitants.

A l'ultra-trail du Beaufortin (109km 6900D+), au mois de Juillet, je m'étais dit que je basculerai sur le challenge 42km + 26km au lieu du 105km. J'avais été trop malade et subit ce trail très technique qui ne pardonne pas. Le taux d'abandons est de 55%. J'ai préféré rester sur le 105km pour découvrir plus de paysages et de difficultés et surtout se tester en altitude.

        

  

       

Je décide de partir devant Tanguy pour ne pas me faire larguer : ce jeunot est plus fort en montée que moi !   

Le col d’Oumchichka est très éprouvant et je compte dans ma tête des intervalles de 60 à 120 secondes pour arriver au col sans lever la tête, pour m’occuper l’esprit, le col n’arrive vraiment pas très vite,, j'ai l'impression de trainer ! Ce col est à 3000 mètres d’altitude et ce n’est que le premier.

Samedi 5 Octobre : 13h31

OUMCHICHKA (51,4km 2992m)

En faut du Col, le topo d’un bénévole nous confirme la première bosse de la grosse partie avant Imlile. J’espérais arriver avant la nuit au plus haut mais c’est impossible et je comprends un peu plus le parcours.

    

Au Kilomètre 54, à un petit col, un ravito non officiel de Marocains qui vendent pour 10 Dirhams un coca frais et une petite bouteille d’eau. J’en profite pour faire le plein et heureusement car l’eau va manquer maintenant d'autant que l’altitude dessèche rapidement la bouche.

    

Je traverse un village où j’ai failli me perdre. Je suis seul, Tanguy court devant avec des portugais. Une autre traversée de petites maisons très rudimentaire, une mère, sa fille et son petit garçon nous indiquent le chemin. Le petit garçon ne répondra pas à mes gestes amicaux malgré les remarques de sa mère. Je regrette de ne pas m'être arrêter pour lui donner des bonbons. Je m’en souviendrai, nous, européens, ne serions pas capables de supporter un tel milieu tous les jours. 

Nous contournons une vallée par le flan et je distingue Tanguy avec les portugais en contre-bas. Je vais au fond de la vallée pour retrouver un chemin plus large et roulant. 

Samedi 5 Octobre : 17h48

TOUGROUDADENE (60,1km 3270m)

 Je suis accompagné par le dossard 62, Yves, un traileur de Nice (qui travaille aussi dans l’informatique et viens de temps en temps à Roubaix). On échange sur nos conditions d'entrainements de nos regions respectives et de nos récentes compétitions en Ultra.Ca fait du bien de discuter un peu , ca fait passer un peu plus vite le temps de cette descente.

La descente me semble interminable et je ne distingue pas le prochain ravito, je pensais y arriver avant la nuit mais je suis obligé de sortir la frontale bien avant, vers 18h30, car on n’y voit plus rien. Encore une erreur de calcul de ma part.

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Enfin Azib Tifni et les bénévoles du ravit sont en vue. J’avais réussi à garder les pieds et sec et Bang ! je mets le pied dans le ruisseau juste avant le ravito ! Ce qui me rassure c'est que tous les coureurs derrière moi font la même bêtise !

Samedi 5 Octobre : 19h52

AZIB LIKEMT (68km 2560m)

Tanguy est là, il a eu le temps de se reposer. Un petit casse croute et c'est reparti. Il fait nuit noir ; les bénévoles nous conseillent de nous équiper car au col et sur le sommet de Tizi TICHKI , il y a du vent et il fait froid.

Je m'emmitoufle, de même que Tanguy.  Mais c'est sans compter la chaleur que nous dégageons à courir : au bout de 20mn, j’ai trop chaud !

Avant le col, un bénévoles nous indique le col et la cime du sommet à atteindre. Nous devrons ressortir de la montagne juste au dessous de la lune, pour redescendre vers Imlile. On aperçoit à peine les frontales de nos camarades devant nous.

L’arrivée au col est éprouvante, on doit oublier nos douleurs et ignorer notre hypoglycémie. Je ne ressens pas la faim et l’altitude se fait sentir. Je m'arrête souvent sur des gros cailloux plats, pour me soulager les jambes. Je ferme parfois la frontale pour faire une pause dans le noir, ça repose les yeux.

Samedi 5 Octobre : 22h04

N'TIFFOURATE (72,1km 3144m)

 Enfin le PC à 3200m d’altitude ; un couple de bénévoles nous accueille, on se met à l’abri pour la pause. Tanguy s’affale sur un tapis de sol et s'endort en ronflant en 2 minutes : le veinard !

On se refroidit très vite dans l'immobilité et déjà on respire très mal. Au bout de 15 minutes, on décide d’y retourner. La montée est dure et très raide. Tanguy est devant, je distingue sa frontale au-dessus, qui m'attend régulièrement. Il me fait des signes avec sa frontale. Je pense qu'il est arrivé en haut à chaque signal.

Les yeux fatiguent et je suis obligé de m'arrêter , de m'assoir sur un caillou ou l'on peut s'assoir confortablement pour reposer les jambes et aussi les yeux. Je ferme la frontale et les yeux et j'attends 30 à 60 secondes sans rien faire. je répèterai souvent ce mode de 'Repos' rapide mais qui permet de repartir plus sereinement.

Au sommet, Tanguy me "nargue", assis sur un caillou, nous commençons à descendre. Je ramasse un "caillou souvenir" de ce passage au plus haut de la course.

Nous avions compris que le ravito n'était au sommet, en fait il est 500m plus bas : décidément, on n'aura rien compris : fatigue et altitude modifient notre compréhension.

Dans la tente, un traileur se débat avec un œdème pulmonaire, un masque à Oxygène sur le visage. Nous croiserons un peu plus loin un secouriste venu le gérer et le faire redescendre avec les moyens du bord : Au Maroc, point d’hélicoptère, même en cas de problème, ce sont les  ânes et les courageux bénévoles qui ont monté les PC et qui assurent les rapatriements d'urgence.

Le début de la descente est relativement facile, mais ça va vite devenir très technique :des éboulis de pierre, des passages de cordes, des chemins à flan de montage, nos frontales nous révèlent des pentes très raides et vertigineuses. On se prend les cailloux dans les chevilles à chaque faux pas. Je tombe plusieurs fois, parfois dans des arbustes piquants : c'est pas très agréable ! Heureusement j'évite les courbatures qui pourraient déclencher une crampe ou un claquage.

Dans les descentes, je suis le plus rapide, j'en profite pour prendre un peu d'avance et me délester de mes habits de nuit ; en enlevant mes chaussures pour retirer le pantalons, je n'ose pas regarder l'état de mes pieds, on verra bien sous la douche à l'arrivée ! La nuit, il faut bien faire attention à ne rien oublier sur le chemin en refaisant son sac, sinon, c'est définitivement perdu !

Dimanche 6 Octobre : 02h35

TARHARATE (79,4km 3300m)

Je rattrape Tanguy au bout de 10 minutes et nous ne faisons rattraper par un traileur. Il faut rester très concentrer dans la nuit , surtout avec les yeux qui commencent à nous transmettre des hallucinations.

Au PC suivant, un bénévole nous questionne sur le ressenti de la course et du tracé : très caillouteux, ce qui sera confirmé par les coureurs suivants, ce n'était donc pas une vue de l'esprit !

 

Je continue sans Tanguy jusqu’à l’entrée de Imlile avec une descente assez rapide dans des chemins qui deviennent très calcaires et blancs dans cette nuit noire.

J’en profite à ce point de contrôle pour téléphone à 6h10 à Fabrice qui m’avait proposé de nous accompagner sur la dernière partie.

Dimanche 6 Octobre : 07h24

IMLIL (90km 1730m)

Fabrice ne viendra pas courir avec moi puisqu'il a décidé d’accompagner la team des filles sur le 26km, qui part à 6h le martin du dimanche. C’est une belle initiative de sa part. Les filles sont ravies et elles apprécieront sa présence et sa gentillesse.

Donc , nous continuons vers Imlile par la route, puis un chemin difficile à trouver. Nous passons dans la ville d’Imlile en ratant le Ravit. Tanguy et moi continuons donc et prenons des anciens marquages : on passe par le lit d’un torrent, puis plus rien… Coup de fil au PC sécurité, Cyril, le directeur de course, nous confirme que le ravito est au centre du village et qu’il faut remonter pour se faire pointer. Ce qu'on fait, la mort dans l'âme ! On croise des traileurs qui partent pour les derniers 15km. Au ravito, nous retrouvons la traileuse 56 (Sylvie) qui abandonne car elle aussi, elle a perdu du temps en se perdant. Je ne comprends pas trop son abandon avec son ami. Je la croyais devant nous. Elle a du bien morfler dans la montée précédente !

Tanguy décide de prendre son temps et de bien manger. Sage décision car la partie qui nous attend ne sera pas de tout repos, malgré ce que je pensais.

Nous partons avec une heure de retard sur mes nouveaux calculs, il est 9h30 le dimanche. Nous faisons un bout de route avec un guide local et son âne qui fait des treks pour des touristes. Il nous mène jusqu’au pont du village d'Ageursioual. Nous retrouvons enfin la trace.

La première montée est facile, nous avons repris des forces. Un couple de portugais nous double.

    

 Le village en contre-bas est traversé par des belles ruelles en terre mais heureusement jonché de détritus de plastique, ce qui me rend perplexe : n'y a t-il aucune collecte des ordures, aucune éducation des populations ? Ça monte progressivement et nous arrivons au dernier PC avec mini ravito ; on fait une dernière fois le plein.

 

 

Dimanche 6 Octobre : 10h05

AMSSAKROU (96,4km 1861m)

Le chemin est relativement large et le col est en vue. Je suis persuadé qu’en haut, on arrive sur oukaimeden. Que nenni ! Après un nouveau ravito/PC, il nous reste encore 4km, qui me semblent les plus longs de la course ! 

Je ne comprends plus rien au tracé et ou on doit déboucher. Malgré les explications d'un randonneur, je suis complètement perdu, fatigué mais je sais insconsiemment que c'est presque la fin...

Tanguy est parti devant. Il a repris des forces ou bien il sent l'écurie. Je me rends compte que le chemin sur lequel je suis est celui du 26km que va emprunter la team des filles. Il est difficile, abrupt et elles vont bien le sentir, comme moi en ce moment. Ça monte sur un petit mont, puis une grande traversée et enfin le col tant attendu avec les drapeaux qui nous souhaitent la bienvenue.

 

        

Quelle montée ! Les premiers coureurs du 26km (essentiellement des marocains) me doubleront. On tape la discute. Un marocain m'expliquera qu’il aime beaucoup la France. Je n’ai pas su quoi répondre. Je me rends compte que beaucoup de marocain voudraient venir en France. Et moi je vais chez eux courir...

Dimanche 6 Octobre : 10h31

Plateau GLIZ (101,5km 2225m)

En haut du col, un spectateur, voyant mon dossard du 105 km, me félicite. Il y a de quoi !

   

Il me photographie, il est tellement épaté que je sois finisheur que j’ai l’impression d’avoir survécu et fait un truc extraordinaire.

La descente est rapide mais je profite de ces derniers moments. C’est magique de passer à travers ses pâturages. Je prends la route vers le refuge CAF et passe devant les restaurants de vendredi midi. Je suis acclamé. C’est un drôle de sentiment d’être félicité.

J'atteins l’arche d’arrivée. Je suis fier de montrer mon dossard 105km : je suis finisheur de cet ultra !!! 

Dimanche 6 Octobre : 12h58

Arrivée : Oukameiden (105,2km 2620m)

Le speakeur me félicite. Tanguy, arrivé quelques minutes avant moi, me tire le portrait. On me donne mon sweat de finisheur. Je peux enfin m’assoir sans stress, j'ai les larmes aux yeux d’avoir fini.

 

 

 

 

Le retour et les souvenirs à retenir

 

L’après trail est toujours très euphorique, on n'a pas encore les courbatures qui ne nous quitteront pas pendant une semaine; on n'a pas encore découverts l'état de nos pieds, ravagés par les 105 km.  Cette année, les chevilles étaient criblées d’impacts de cailloux. 

En attendant les filles, douche et massage avec des Kinés-élève de Marrakech avec Tanguy et Vincent L (qui est arrivé de son 26km vers 14h00) : bonheur !!!

Vincent est remonté avec Tanguy au col pour accueillir la team rose. Je les rejoins vers 16h45; elles franchissent main dans la main la ligne d’arrivée, on les immortalise avec une belle photo souvenir.

 La Team des filles, Beatrice L (médecin à Arras) , Béatrice B (ma belle-sœur, Infirmière à Pau ) , Élisabeth H (Ancienne chirurgienne) , Laurence B (Infirmière à Arras), Laurence P (Médecin sur Paris), Anne-Yvonne (ancienne institutrice), Siam (Infirmière à Arras), Christelle (Infirmière à Arras) et Anne (Médecin sur Arras) a fait le 26 km en mode randonnée, 11h de marche, à papoter, se filmer, grincer des dents, souffrir, mais bien rigoler au total ! Fabrice qui les accompagnait a tenu le coup ! Elles étaient très fières. De très beaux souvenirs, des belle rencontres partagées lors du dernier diner sous la tente-chapiteau.

J'étais accompagné par ma femme et ses copines qui ont relevé le défi de faire l'épreuve du 26km le dimanche. Bravo à elles ! Tour ceci a été possible grâce au bénévoles locaux et européens qui relèvent aussi un défi d'être  pour nous, coureurs (toujours un peu égocentriques et trop fiers de nos résultats) merci à eux.

On revient de ce trail déstabilisé. Il est très dur et pas roulant (l'UTMB est difficile sur la durée mais moins technique et beaucoup plus encadré).

  

Il y a eu beaucoup de partage, de rencontres. Nous avons pu donner quelques vêtements de sports aux gens du coin, dommage qu'on n'en ait pas plis plus. Deux traileuses étaient venues de Lille avec 60kg de vêtements (Groupe Kiabi du Nord). Elles les ont distribués dans les villages alentours. 

Je cherchais du changement, d'autres paysages, du partage, de l'altitude, un esprit de groupe, de l'harmonie avec les coureurs.

J'ai été servi. J'ai trouvé tout cela pendant ces 4 jours passés au Maroc.

L'ultra-Trail Atlas Toubkal sur le 105km 8000D+ en 36h m'a permis de découvrir les montagnes de L'Atlas jusqu'à 3700 mètres d'altitude et de réfléchir à notre mode de vie, en traversant des villages reculés de l'Atlas.  À L’UTAT, quand on abandonne, on rentre à pieds. L'UTAT, c'est pour les traileurs en quête d'aventure et de vérité.

Ce dernier ultra-trail de l’année 2019 me donne l’occasion de présenter cette image ci-après qui explique que la réussite est le fruit de beaucoup de paramètres, de contraintes, il y a de doute avant chaque course. La Maxi-race en 16h, le Beaufortin en 27h, ce dernier en 36h nécessitent un entraînement bien spécifique; progressif, calculé, rien n'est laissé au hasard.

 

J’ai été très heureux de recevoir les encouragements d’Élise Delannoy (1ere féminine française à l’UTMB 2019), nous avons partagé un bout de course lors de la maxi-race en 2018 ; nous partageons ce dicton : « La douleur est éphémère, la fierté est éternelle ! ».

J’ai appris qu’elle avait mis cette phrase dans sa présentation de son exploit UTMB au Pharos à Arras le 11 octobre dernier.

Cette année les SMS et Whats-app ne passaient pas et les téléphones français et marocains étaient en position OFF. Un isolement et une coupure réelle encore plus intense dans ces montagnes désertiques de l’Atlas.

Je salue et remercie tous mes supporteurs, suiveurs, amis et amies qui me prennent pour un fêlé, un aventurier qui tente de s'évader du virtuel de la vie moderne. J'ai été content de partagé cette aventure avec Tanguy Mouchon. Je n'ai pas réussi à convaincre mon amie Agnès L de reporter son challenge de la Diagonale des fous 2019 à la réunion pour qu'elle vienne avec nous.

Pour finir et confirmer le message de l'organisation sur leur site ... https://atlas-trail.com 

"TANT QUE VOUS N’AUREZ PAS FOULÉ LA TERRE DU HAUT ATLAS MAROCAIN, VOUS NE COMPRENDREZ PAS !